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Donner aux jeunes et aux femmes d’Afrique les moyens de s’épanouir à l’ère numérique

2.08.2022

Série « Trois questions sur le D4D » : Interview de Jan Kennis, expert principal en D4D chez Enabel
Région ou pays
Afrique
Projet ou initiative
Projet D4D Hub UA-UE

L’édition 2022 du rapport Perspectives de la population mondiale des Nations Unies prévoit que l’Afrique subsaharienne contribuera pour plus de la moitié à l’augmentation de la population mondiale prévue d’ici 2050. Cela signifie que la mise en place d’une éducation de qualité et la création d’opportunités d’emploi pour les jeunes deviendront une priorité encore plus importante pour le continent.

De l’avis de Jan Kennis, expert principal en D4D (Digital for Development, le numérique au service du développement) chez Enabel, la transformation numérique de l’Afrique peut autonomiser les jeunes et leur donner les moyens de participer à la société, d’accéder à des opportunités et de contribuer au développement local. C’est particulièrement le cas des femmes, qui, malgré le rôle primordial qu’elles jouent dans le façonnement de l’avenir du continent, risquent d’être moins impliquées dans le monde numérique.

Notre expert prévient toutefois que les compétences numériques sont une condition préalable pour que les jeunes et les femmes puissent bénéficier pleinement des services et des outils numériques. « Si la transformation numérique doit tenir ses promesses, l’Afrique doit faire preuve de leadership numérique et investir dans l’éducation à tous les niveaux dans un avenir proche », déclare-t-il.

Dans cette interview, Jan Kennis partage son point de vue sur les raisons pour lesquelles il est important d’investir dans les compétences numériques ainsi que sur les pistes potentielles de collaboration entre les organisations africaines et européennes à cet égard.

Q : Quels sont les principaux défis et opportunités liés aux compétences numériques auxquels l’Afrique est confrontée ?

JK : Il nous faut évoquer tout d’abord l’explosion démographique des jeunes. L’Afrique connaît actuellement un dividende démographique, qui est encore appelé à s’accroître au cours des prochaines décennies. La transformation numérique pourra certainement contribuer à absorber une partie des emplois que l’Afrique devra créer pour que ses économies se développent et se stabilisent ; pensons aux entreprises technologiques en croissance sur le continent, aux startups et aux opportunités d’entrepreneuriat numérique.

Néanmoins, le secteur privé a d’ores et déjà du mal à trouver les talents qualifiés dont il a besoin. Le défi consiste à aller au-delà du renforcement des capacités en matière de culture numérique de base et de commencer à investir dans des compétences numériques plus avancées particulièrement recherchées, comme le développement de logiciels et d’applications, la gestion de réseaux, l’intelligence artificielle ou l’analyse des données. Mais, et cela est plus important encore, nous devrions aussi aider les jeunes à acquérir les compétences de leadership en matière de transformation numérique qui les rendront à même de piloter la transformation numérique du continent, d’innover et de créer leurs propres solutions numériques.

Je souhaiterais, en deuxième lieu, aborder le sujet des femmes en Afrique. La société civile africaine est dynamique, et compte de nombreuses organisations axées sur les femmes. Il est essentiel de collaborer avec ces organisations afin d’assurer l’inclusivité de la transformation numérique. Chez Enabel, nous soutenons par exemple des collectifs et associations de femmes qui offrent des formations, du mentorat ou de la sensibilisation, et qui intègrent une approche de genre.

Q : Quelle valeur ajoutée les agences européennes de développement peuvent-elles apporter pour aider leurs partenaires africains à trouver une solution à ces questions ?

JK : La coopération internationale peut renforcer les compétences, promouvoir l’inclusion et investir dans de nouvelles technologies. Les partenaires européens peuvent également faciliter l’échange des connaissances. L’UE a acquis d’importantes expériences, tant des succès que des échecs, en matière de promotion des compétences, des droits, de la gouvernance, de la prestation de services et de l’économie numériques, qui pourraient être partagées avec les pays partenaires. Cela étant, les solutions ne doivent bien entendu pas être simplement exportées, mais elles servent de base et de source d’inspiration dans d’autres contextes.

À cet égard, j’aimerais souligner le travail du Digital for Development (D4D) Hub Union africaine-Union européenne (UA-UE). Le projet réunit huit organisations européennes (dont Enabel) dans l’optique de mobiliser leurs ressources et leur expertise afin de mettre en place une coopération numérique plus efficace avec l’Afrique. Le D4D Hub UA-UE nous permet de partager les leçons, les bonnes pratiques et le savoir-faire dans de nombreux domaines, y compris les compétences numériques.

Projet de développement des compétences numériques au Maroc, soutenu par Wehubit.

Q : Quelles mesures concrètes pourraient être envisagées ? Avez-vous d’autres exemples à partager avec nous ?

JK : Les compétences numériques devraient faire partie des programmes scolaires et de l’enseignement supérieur. Les systèmes éducatifs devraient par ailleurs intégrer les compétences numériques à différents niveaux : non seulement dans les cours d’informatique destinés à développer des connaissances spécifiques en matière de TIC, mais aussi des capacités transversales telles que la présentation et la négociation visant à promouvoir la participation et l’innovation à l’ère numérique. L’enseignement de la sécurité en ligne et de l’éducation aux médias s’avère particulièrement important pour protéger les groupes vulnérables.

Une autre piste consiste à intégrer les compétences numériques dans les programmes de formation technique et professionnelle (FTP), qui constituent une solution pratique pour améliorer l’employabilité des jeunes.

Il est également très important de collaborer avec des institutions publiques et privées afin de renforcer les compétences de leadership en matière de transformation numérique de leur personnel. Un exemple de réussite en la matière est le projet e-Tamkeen au Maroc, où Enabel a travaillé en étroite collaboration avec le ministère en charge de la transformation numérique afin d’aider les fonctionnaires de différents ministères à développer les compétences nécessaires pour piloter la transformation interne de leur institution.

Enfin, nous devrions autonomiser les groupes de la société civile et les startups dirigés par des femmes et des jeunes afin de subvenir aux besoins locaux.Le mécanisme de subvention Wehubit est un exemple de programme qui permet une approche innovante pour ce faire. Wehubit a pour objectif de booster les innovations sociales numériques via des acteurs associatifs.

À propos de l’interviewé

Jan Kennis est l’expert principal en numérique au service du développement (D4D) chez Enabel. Il possède plus de 10 ans d’expérience dans les partenariats internationaux, tant en Europe qu’en Afrique. Ses passions se situent à l’intersection entre le renforcement des capacités d’innovation, le numérique au service du développement, et la gestion des ressources naturelles. Tout au long de sa carrière, il a décliné ces trois passions dans la recherche, la gestion des partenariats internationaux et l’éducation.